Loi des Tuyaux

Période et fréquence d'un tuyau
Ondes stationnaires Nœuds et ventres, harmoniques et partiels.
Rôle du diamètre du tuyau et de la force du souffle
Rôle de la forme du tuyau sur le timbre.
Il n'est pas tuyaux que d'orgues.

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Les lois physiques qui régissent ce phénomène furent découvertes à la fin du XVIIIe siècle par Daniel Bernoulli qui en établit les équations élémentaires.
Le son donné par un tuyau est d'autant plus grave que ce tuyau est long.

Le son se déplace dans l'air avec une célérité de l'ordre de 340 m/s à une température de 20°C.
Une onde plane est engendrée par la compression brutale d'une tranche d'air par une surface plane.
Comme l'air est un milieu élastique, cette compression appelle nécessairement une dépression. L'onde produite se déplace sans qu'il y ait propagation de matière à distance ; il y a déplacement de proche en proche. L'onde progresse : on dit que c'est une onde progressive.
Lorsque cette onde rencontre un obstacle solide, une surface plane perpendiculaire au sens de propagation par exemple, l'onde rebondit vers l'arrière (écho). C'est comme si une nouvelle compression repartait du point d'impact. L'onde change de direction sans changer de signe : elle reste une compression.
On peut imaginer de la même manière une onde générée par une dépression. Le mouvement qui se propagera va créer une onde de dépression qui se comporte de la même manière qu'une onde de compression.

Si, à présent, nous envoyons une onde de compression vers une surface plane mais percée d'un trou, l'onde de compression va sortir par le trou et va produire simultanément une dépression en arrière du trou. Elle va se réfléchir et cheminer en sens inverse avec changement de signe : la compression est devenue une dépression.
L'inverse est vrai : une onde de dépression réfléchie sur un trou deviendra une onde de compression.

Ces notions vont nous permettre de comprendre la loi de Bernoulli.

Période et fréquence d'un tuyau

La période, ou le cycle, d'une onde sonore, correspond au temps mis pour réaliser le parcours en onde de compression puis en onde de dépression. C'est à dire, 4 fois la longueur d'un tuyau bouché :

Bouche vers calotte +, retour vers la bouche +, retour vers la calotte après changement de signe (côté ouvert) - puis retour vers la bouche -, etc.

Pour les tuyaux ouverts, le problème est différent.
L'onde, à l'aller, va tout de suite se trouver en face d'un trou en arrivant à l'extrémité opposée du tuyau. Elle se réfléchira donc avec changement de signe et reviendra vers l'origine. Mais comme il existe encore un trou (la bouche), elle va encore se réfléchir avec changement de signe.
Le cycle est donc complet après deux trajets seulement.

La loi de Bernoulli pour les tuyaux ouverts à un bout (et bouché à l'autre) est donc :

T = 4 L / V
où L est la longueur du tube, V la célérité du son, et T la période.

Pour les tuyaux ouverts aux deux bouts, elle est de

T = 2 L / V

On comprend ainsi pourquoi un tuyau ouvert doit être deux fois plus long qu'un tuyau bouché pour donner une note de même hauteur.
En effet, la période n'est pas intéressante musicalement, mais plutôt la fréquence qui conditionne la hauteur.
Cette dernière est l'inverse de la période :

F = V / 4L

ou, pour les tuyaux ouverts:
F = V / 2L.

Précisons que les valeurs obtenues par ces formules sont théoriques.

 

En pratique, dès que l'on excite un tuyau en soufflant à l'une de ses extrémités par un procédé quelconque, il se produit des phénomènes très compliqués et l'expérience montre que les mesures et les calculs ne concordent pas tout à fait.
Dans la réalité, la fréquence d'un tuyau ouvert à bouche est plus basse que sa fréquence calculée. C'est évident. La bouche a une surface nettement plus faible que la section du tuyau. Le tuyau est en fait à moitié bouché.
D'autre part, le diamètre du tuyau intervient et ceci a conduit certains physiciens et facteurs d'instruments à chercher des formules de correction qui font intervenir cette variable.

En fait, toutes les formules proposées sont très empiriques et ne sont valables que pour les cas particuliers.

Elles n'ont même aucun sens pour les tuyaux à anches où c'est l'anche qui impose sa fréquence.

On retient, en passant, que les lois de Bernoulli restent valables pour les tuyaux coniques

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Ondes stationnaires Nœuds et ventres, harmoniques et partiels.

Nous avons considéré jusque là le cas d'une compression unique qui se propage par allers-retours successifs.
Si, au cours de ces voyages, on envoie une deuxième compression, celle-ci va cheminer dans le tuyau et rencontrer fatalement la première à un instant donné.
Si les deux compressions sont de même force mais de sens contraire, leurs vitesses s'annulent, elles se bloquent et produisent au point de rencontre un " nœud de vitesse ". Il est aisé d'imaginer alors qu'au même point les deux pressions s'ajoutent :

Au nœud de vitesse correspond un ventre de pression.

Donc, nos deux ondes se tamponnent.
Lors du choc, bien entendu, chacune va rebondir en sens inverse, se réfléchir sur les bouts, revenir, se heurter à nouveau, mais pas nécessairement au même endroit. Tout dépend du moment auquel on aura envoyé la deuxième onde. Bref, l'état du tuyau variera à chaque instant.

Que se passe-t-il si, au lieu d'envoyer seulement une deuxième onde, on en envoie une succession de plusieurs à intervalles réguliers ?

A un certain moment, le " train d'ondes " va aller rencontrer un train d'onde retour. Les nœuds et ventres de vitesse deviennent d'autant plus nombreux que le tuyau est plus long et la fréquence périodique d'excitation plus grande.
Lorsque la fréquence d'excitation sera un multiple exact de la fréquence propre du tuyau, nœuds et ventre deviendront alors plus marqués et se stabiliseront à un endroit donné car, excitation et tuyau seront en résonance.

Pour le bourdon, il y a toujours un ventre de vitesse au bout ouvert et un nœud de vitesse au fond.
On peut le découper en parties égales où nœuds et ventres alternent nécessairement.
On ne peut le diviser qu'en nombres impairs : 3, 5, 7 etc.

Pour le tuyau ouvert aux deux bouts, il possède un ventre de vitesse à chaque extrémité et peut être découpé en 2, 3, 4, 5, etc. parties égales en respectant l'alternance nœuds-ventres.

Ces considérations permettent de calculer facilement le nombre de compressions par seconde nécessaires pour produire dans un tuyau donné, un découpage optimum en nœuds et ventres.

Lorsqu'on réalise la synchronisation de la fréquence propre du tuyau et de la fréquence excitatrice, le tube est le siège d'une onde stationnaire d'amplitude maximale.
En pratique, on obtient ce résultat en soufflant sur l'arête du biseau (lèvre supérieure pour les facteurs d'orgues). On obtient une lame d'air vibrante comme s'il s'agissait d'une anche.
Il s'agit en fait d'une véritable anche aérienne souple et c'est le tuyau qui impose sa fréquence propre à cette lame d'air.

Acoustique et Musique - Emile Leipp

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Rôle du diamètre du tuyau et de la force du souffle

Prenons un bourdon et soufflons sur son arête en augmentant graduellement le vent.
Si le jet est bien orienté, ce son de biseau excitera une fréquence qui correspond au son fondamental du bourdon.
Comme il s'agit d'un son manifestement périodique, il ne peut être que sinusoïdal ou composé d'une série d'harmoniques, " justes " par définition.

Dans un bourdon, cette série d'harmoniques ne peut être que d'ordre impaire puisque l'onde stationnaire ne peut être divisée que par 3, 5, 7 etc. parties égales.

Avec ce même bourdon, augmentons le souffle. On saute brusquement à une autre note, le partiel 2, qui n'a rien à voir avec l'harmonique 2 du tuyau entier en régime fondamental.
Pour cette deuxième note, le tuyau se découpe comme il peut en trois parties égales et ce nouveau son est un nouveau fondamental périodique accompagné de sa propre série d'harmoniques.
Ce nouveau fondamental est théoriquement à la douzième du précédent mais s'en écarte des fois assez considérablement. Dans certaines conditions sa fréquence est proche de celle de l'harmonique 3 du fondamental mais c'est un partiel. Le partiel 2 du bourdon, que l'on obtient d'autant plus facilement que le tuyau est mince et long.

Soufflons encore plus fort et on obtient la dix-septième au dessus du fondamental du tuyau entier et qui est à son tour un nouveau fondamental avec ses propres harmoniques impaires et qui est plus ou moins voisin de l'harmonique 5 du fondamental entier. C'est le partiel 3 du bourdon qui correspond à une onde stationnaire coupée en cinq parties égales.

Si on fait la même expérience avec un tuyau ouvert aux deux bouts, on vérifie qu'en forçant le souffle on saute d'abord à l'octave, puis approximativement la douzième, et ainsi de suite.
Ici, le partiel 2 correspond à peu près à l'harmonique 2 du fondamental, le partiel 3 à l'harmonique 3, etc.

Important : La série des partiels obtenus en forçant le souffle est d'autant plus facile à obtenir et se rapproche d'autant plus de la série harmonique du fondamental du tuyau entier que la taille (rapport longueur / diamètre) est plus grande.
Mais il convient de bien faire la distinction entre harmoniques et partiels (comme pour les cordes) si on ne veut pas perpétuer des confusions regrettables en ce domaine.

Rôle de la forme du tuyau sur le timbre.

Pour les tuyaux à bouche, on comprend aisément qu'avec une " grosse taille " le fondamental puisse acquérir une amplitude suffisante pour prédominer sur ses harmoniques.

Avec une taille très fine, les amplitudes du fondamental ne peuvent pas être très grandes.
Le fondamental et même les premières harmoniques sont faibles et l'énergie en présence favorise les fréquences élevées pour diverses raisons.
Une taille fine a des partiels plus justes, plus voisins des harmoniques du fondamental et ont moins de mal à s'accommoder sur lui. La perte d'énergie due normalement à l'accommodation est plus faible, d'où un spectre plus riche.
La Gambe et le Salicional de l'orgue en sont l'illustration

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Il n'est pas tuyaux que d'orgues.

Pour ceux qui se sentent lassés par toutes ces considérations organologiques, signalons que ces considérations s'appliquent à tout tube sonore.

Une flûte à bec ou une flûte traversière sont un tuyau ouvert à un bout et partiellement ouvert à l'autre.

La clarinette peut, à la rigueur, être considérée comme un tuyau fermé à un bout mais ce n'est pas tout à fait vrai ; l'anche n'est pas collée sur le bec et le petit intervalle fausse tout.
La clarinette est théoriquement un tuyau cylindrique. En réalité elle n'est que quasi cylindrique, se terminant à un bout par un bec et à l'autre par un pavillon dont la forme géométrique est difficile à préciser.
Cette forme apparemment bizarre est justifiée par la nécessité d'obtenir des partiels justes, de sauter à la douzième quand on force le vent.

Le saxophone possède un tuyau qui n'est qu'approximativement tronconique réalisé de manière qu'en forçant le souffle on saute à l'octave.

Les facteurs réalisent donc des tuyaux aux formes apparemment bizarres mais leurs instruments octavient et quintoient correctement.
Personne ne sait actuellement calculer la perce qu'il faut donner à un instrument à vent. Les fabricants ont cumulé leur expérience et leurs observations pendant des siècles pour réaliser un tube composite de forme adéquate.

J'ajouterai pour ma part que le facteur d'orgues agit à moitié par tradition (expérience et observations) et à moitié par instinct.
C'est cet instinct qui les différencie.

DGW -
Texte (très) étroitement inspiré de l'ouvrage " Acoustique et Musique ", de Emile Leipp - Editions Masson.

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